Un autre monde est possible...
ActuaLitté a relayé mon précédent article. Il a été partagé un peu partout et a suscité pas mal de réactions anti ou pro amazon. Les commentaires agressifs m'ont laissée perplexe : Avais-je critiqué un Dieu ? Qu'est ce qui motive les personnes qui se sentent investies pour "défendre" cet empire ?
Lire et répondre à tous ces messages étant assez chronophage, j'ai rédigé un texte en réponse à toutes les remarques, critiques et "conseils" reçus. Le voici ci-dessous.
"Mes propos n'engagent que moi, et je n'ai pas prétention à convaincre les foules. Ce texte publié sur mon blog (plutôt confidentiel) était destiné aux amis et clients de la librairie qui le suivent. Je l'ai transmis à des collègues libraires et j'ai accepté qu'il soit relayé sur Actualitté, plutôt contente que des personnes trouvent mes propos dignes d'intérêt. Je ne suis pas une habituée de la polémique en ligne (les libraires et autres documentalistes ont la réputation d'être discrets) et je n'envisage pas d'y passer trop de temps, préférant de loin l'interaction en vrai.
Cependant ce témoignage de mon expérience de « partenaire » marketplace et cette invitation à une réflexion plus générale sur la consommation semblent avoir agacé ou blessé pas mal de personnes et, de fait, je me sens un peu obligée de répondre pour clarifier mes propos.
J'ai pas mal réfléchi, en ce beau dimanche ensoleillé, tout en binant mes patates, et ma réponse risque d'être un peu longue.
Ma réflexion résulte du constat que le mode de consommation (et de vie) des pays industrialisés n'est pas soutenable pour la survie des espèces vivantes sur terre (je ne dis pas survie de la planète, elle survivra sans nous). Si vous doutez de ce postulat de départ, inutile de lire la suite...
Pour répondre à "Pourquoi encore critiquer amazon et pas les autres grosses plateformes alors ?"
Je suis loin de ne regretter que le fonctionnement d'Amazon, je ne connais pas "personnellement" les autres géants (si ce n'est priceminister quitté il y a déjà longtemps pour des raisons d'inconfort professionnel) et je n'utilise aucun d'eux. Je parle d'amazon car je sors tout juste de 12 ans de "partenariat" avec eux et j'en ai gros sur la patate. Un peu comme si amazon m'avait contrainte à rejoindre sa "communauté" après m'avoir privé de mes revenus en faisant péricliter les petites structures avec lesquelles je travaillais auparavant (et ce en embarquant un grand nombre de clients), pour ensuite me louer plus cher ses services (par ailleurs beaucoup moins satisfaisants pour moi). Alors oui, je crache dans la soupe (mon minuscule crachat n'aura pas grande incidence) mais je ne mords pas la main qui m'a nourrie, je dénonce les pratiques abusives d'un "partenaire" que j'ai également nourri (il m'a prélevé quelques 5000 euros l'an passé).
Par ce message, je ne souhaite pas exprimer une quelconque rancœur car je n'ai de reproches à faire qu'à moi-même, de m'être laissée embarquer et d'avoir pensé pendant si longtemps que rester "là" était incontournable. Je souhaite simplement partager une expérience, une réflexion, prévenir... et questionner chaque personne sur ce qu'elle se sent capable de faire pour conserver ce qu'elle veut conserver ou pour ne pas perdre ce à quoi à elle tient.
Cette période troublée et troublante de confinement me semblait propice à ce type de réflexion sur les priorités que chacune et chacun a envie de se donner.
Je suis tout à fait d'accord sur le fait que ce qui a fait la grandeur d'amazon et de tous les GAFAM, ce sont les utilisateurs/consommateurs qui l'ont établi et consacré. Ils y ont été fortement incités, bon gré, mal gré, car ils y ont trouvé la commodité, un sentiment de sécurité et d'appartenance à une communauté que des spécialistes de la communication et des neurosciences ont su développer pour qu'ils y transposent la satisfaction de ces besoins fondamentaux dans le monde virtuel, au détriment du monde réel. (La série dopamine d'ARTE est intéressante à ce sujet). C’est donc à nous, les petites gens, que ces géants doivent leurs immenses fortunes.
J'ai souri au "Post de bourgeois ! Tout le monde n'a pas les moyens d'acheter ailleurs que sur amazon".
J'ai bien conscience que ce mode de consommation est commode pour beaucoup de personnes et je ne jette la pierre à personne. Je pense juste qu'il n'est pas incontournable. Vous vous souvenez ? Il n'y a pas si longtemps, nous savions vivre sans... Sommes-nous plus heureuses et heureux maintenant ? Les personnes qui évoquent ici cette absence d'alternative, sont-elles, elles-mêmes, privées d'autre possibilité pour effectuer leurs achats ?
Encore une fois, n'effectuant pas d'achats sur ces plateformes, je me dispenserai d'avoir un avis sur la compétitivité des prix, mais concernant le livre (qui est une part importante du marché amazon), pour le neuf, ils sont au même prix que partout ailleurs et pour l'occasion, souvent moins chers ailleurs, sur des plateformes moins prédatrices en commissions.
Sinon, je ne suis pas une bourgeoise, même si je me sens extrêmement privilégiés par ma qualité de vie, entourée d'arbres et d'animaux. je vis de peu, matériellement parlant : une vieille bagnole, des fringues d'occase, des téléphones préhistoriques, mais je mange bio (manger bio des produits non transformés coûte moins cher que manger des produits transformés non-bio - pour le prix d'une baguette Leclerc, je fais un pain de 600g).
J'ai fait le choix de me priver de 30% de mes revenus, au moins dans un premier temps, car je vais faire preuve d'inventivité et espére trouver un moyen de renflouer les caisses. Dans cette prise de décision, l'aspect financier n'a pas été prépondérant. En cette période où tout est remis en question et où j'appréhende le retour à l'anormal, le plus important me semblait être de retrouver le plein accord avec mes valeurs.
Je vais, de fait, réduire ma participation à la surconsommation. Sachant que, pour que notre espèce survive, il faudrait que les sociétés occidentales réduisent leur consommation de quelque 80%, j'aurais fait ma petite part. Cela ne devrait pas être trop douloureux car je travaille déjà depuis longtemps à réduire mon "vouloir d'achat".
Je ne suis pas une activistes, tout au plus une militante du minuscule.*
J'ai bien envie de vivre dans un monde équitable, convivial, constitué de liens humains et d'entraide et j'ai fait le choix d'agir dans ce sens, avec pour objectif principal de ne nuire à quiconque.
En aucun je ne peux me résigner au « les riches sont riches, les pauvres sont pauvres et c'est la vie ». Au sentiment d'impuissance que révèlent ces mots, j'oppose le sentiment que chacune et chacun a la capacité de tenter de vivre en accord avec ses valeurs, qu'il soit riche ou pauvre.
Si cette opinion reste encore minoritaire, à la suite de chaque incident climatique (incendies, ouragans, covid-19, inondations, canicule de l'été prochain ?), le nombre de personnes qui réfléchissent à leur influence individuelle sur l'écosystème global augmente. J'espère que la conscience collective fera pencher la balance du côté de la vie avant qu'il ne soit trop tard.
Si les valeurs partagées par le plus grand nombre demeurent en faveur d'un monde dirigé par les GAFAM dans lequel un seul être humain peut posséder une fortune équivalant à un salaire de smicard cumulé depuis le début de la vie sur terre, je poursuivrai mon chemin "en marge" mais dans la bonne humeur, car je cultive avant tout, la joie de vivre.
* expression empruntée à Thomas Vinau
Bien à vous,
Sophie
Et sur le même sujet,je vous invite à lire En Amazonie de Jean-Baptiste Malet, journaliste "infiltré" dans un entrepôt Amazon en 2012.